mardi 20 juillet 2010

Seward-Cordova: le vent


Nous sommes à Cordova après un 12 jours d'intempéries, de vents, de tempêtes et de pluie!!
Depuis le départ de Seward, le vent souffle nord-est, de face constamment.
 De Seward, Damien et moi sommes allés chercher  Yan sur Hive Island et nous nous sommes dirigés avec un grand espoir de vitesse dans les Blying Sound....À peine sortis de Hive Island, que les vagues pyramidales nous ont pris d'assaut  pour quelques 6 ou 7 heures, nous faisant avancer à une vitesse de tortue mais avec des efforts titanesques. Le kayak double est dur à porter parfois, surtout dans la vague car a chaque fois qu'il  "splashe" de tout son poids, il perd toute sa vitesse!!
Quelques baleines à l'horizon, à bosses surtout, c'est ce qu'on rencontre le plus fréquemment!!
Passé le Resurrection Cape, qui fut de tout stress parce qu'il est le passage des bateaux de pêcheurs, de touristes, la maison des lions de mer, la falaise où niche  toutes les mouettes de l'Alaska... une falaise redoutable remplie de cavernes et à quelques 5 kilomètres d'une île. Nous devions rester près de la falaise, dans le ressac, affronter la vague pyramidale= double ressac...en plus des bateaux à toute vitesse et  le vent de face...ayoye commme dirait l'autre! Enfin, malgré le trop peu de distance franchie tout s'est bien passé. Nous avons "atterri" dans une "cove" sans nom que j'appellerai Langue de Chat; là nous avons fait la découverte d'une grotte, d'un camp de pêche avec des traces de griffes d'ours partout sur les portes et les poteaux et aussi une partie du plancher devant la porte plein de clous pour blesser les éventuels prédateurs au doux pelage brun!... L'ambiance était un peu glauque mais nous avons fait un grand feu et mangé nos steaks avec joie.  Le vent ne cessa pas de souffler pour les quelques 3 jours suivants, nous faisant faire des sauts de puce jusqu'au Prince William Sound..En kayak, le vent est un ennemi redoutable ou un ami de fortune: dans notre cas, il fut plutôt un ennemi  et qui ramenait à chaque fois nos efforts à néant...avancer à 2 kilomètres/heure c'est tough pour le moral!!  Bref, nous avons au bout du quatrième jour, délaissé la houle du Pacifique..impressionnante il faut le dire, pour entrer sous la protection de Squirrel Baie, Erringhton Entrance etc..enfin le Prince William Sound!!
Nous avions mis beaucoup d'espoir dans cette section protégée et  intérieure. Mais ce ne fut pas long que nous avons été ramenés à la réalité par la plus grande force sur terre: l'eau! Après avoir campé près de  Port Ashton, bien mangé, nous nous sommes couchés sous un ciel chargé de pluie...mais  la pluie est notre lot, la routine quoi: être constamment mouillés, humides... nous n'avons pas été trop affolés par ce ciel bien noir!! ( Le soleil s'est montré pour la dernière fois le 21 ou 22 juin dernier), ,,, Cependant, durant la nuit a éclaté une tempête, notre plan de se lever tôt et de partir tôt a échoué, car à 8:30am les vagues étaient des monstres dans la baie. N'imaginons même pas sur l'océan!! Nous sommes partis finalement vers 2hpm, après avoir vu les bateaux de pêche sortir à la file indienne pour aller travailler vers midi...Donc un sprint jusqu'à Green Island qui nous accueillera le soir très tard, le soleil se couchant au loin derrière l'épais ciel nuageux et un trou dans les nuages.. espoir de beau temps?! ahahah.
 Tout est gris depuis Seward, la mer est comme du mercure et les montagnes enneigées sont invisibles, on se croirait sur la Côte Nord ...Durant la nuit, une nouvelle tempête, mais celle-ci durera trois jours: de grosses vagues, , le vent effrayant qui couche nos tentes à l'horizontal, il pleut comme les Chûtes Niagara, c'est pas un temps pour pagayer!! Je me réfugie dans la tente et ne bouge pas de là. L'eau de ruisseau est à 4 kilomètres à pied et nous devons tout filtrer. Les loutres tranquilles sont les seules à nous tenir compagnie pas impressionnées par le mauvais temps! 
 On repart le troisième jour malgré le vent, qui a baissé tout de même un peu, mais quand même, quel temps horrible!!! On se rend sur Montague Island, là où les méduses remplissent l'eau, et les phoques aussi!! Beau spot, premier soleil à travers un trou de nuage, ce qui réchauffe le coeur, on s'empresse de mettre tous nos vêtements dehors, ça sent le petit poussin par ici, on est toujours dans l'eau pis il pleut toujours, rien ne sèche jamais, je vous laisse imaginer les odeurs!! hummmm!
Nous repartons le lendemain heureux et ravis, il n'a pas plus cette nuit-là, le matin est humide mais pas des trombes d'eau sur nos têtes mais surtout, et soyons heureux, première journée sans vent depuis Seward, pour franchir le Hinchinbrook Entrance, la plus grosse baie à traverser depuis le début, 30 kilomètres dans le no where!
A peine on contourne le cap qu'on entre dans une brume épaisse...on décide de faire la traversée malgré le brouillard.. parce que les nuages se dégagent sur les montagnes de Montague et nous voyons là une éclaircie de bonne augure. Mais non! on est en Alaska et l'éclaircie n'existe pas ahah! Nous naviguons donc 4 heures dans le brouillard cap vers l'est...super stressant, on entend des cornes de brumes de gros bateaux, les petits ne s'annoncent pas mais on les entend et la visibilité est pitoyable..on voit un bateau passer à 10 mètres comme un navire fantôme. Voici les mots de Yan pour décrire cette terrible expérience.
"Après quelques temps seulement le brouillard s'installe, l'air et la visibilité deviennent opaques, 8 mètres, 12 mètres devant nous, nous ne le savons pas... Le Hinchinbrook Passage est une voie maritime très fréquentée, l'Exxon Valdez a transité par ce détroit avant de s'éventrer  en 1989 plus loin près de Bligh Reef et de Valdez et a rendu ce secteur tristement célèbre. Des bateaux fusent de toutes parts. Des cornes de brume résonnent partout; personne ne nous voit dans cette opacité... petits kayaks à la dérive...La peur au ventre, cap à l'est, on pagaie comme des fous pour sortir de ce maudit passage. Une grande vedette passe à toute vitesse à quelques mètres sans même nous repérer, ça sent la mort...On pagaie bien mais même à pleine vapeur on en a encore pour des heures avant d'atteindre l'autre rive. Au bout  d'environ une ou deux heures de ce régime, une corne de brume résonne tout près de nous. Cet énorme bruit de moteur est tout près. Pétrolier? Bateau de croisière? On ne peut même pas imaginer ce qui va se passer dans quelques instants.. C'est la fin, tellement stupide de mourir comme ça. Sans trop de conviction en désespoir de cause je demande à Damien de sortir les fusées de détresse pour que le bateau puisse nous localiser. Trop tard, le bruit de moteur est beaucoup trop près. On attend, le temps semble s'être soudainement arrêté, figé. Le bruit se déplace vers la gauche, il passe...on repart avec toute l'énergie que nos bras peuvent fournir, jusqu'à ce que l'éclaircie nous sorte cette traversée aveugle.."

Après 4 heures de pagayage, une éclaircie dévoile Hinchinbrook Island... mais on a dévié de 15 kilomètres vers le sud...nous dirigeant tranquillement vers l'océan...d'où la houle et les courants que nous avons franchis dans le brouillard...oups...En remontant vers notre objectif, on voit nos premiers orques...cabriolant derrière le kayak, très affairés à manger. Très bel animal! mais un peu épeurant quand même...de ce côté-ci, l'eau est émeraude, les baleines apparaissent à 3 ou 4 mètres de nous , les phoques aussi, les bestioles n'ont pas peur...l'éclaircie donne une magnificence au paysage, c'est très beau et probablement encore plus parce que ce fut assez dangereux comme traversée...plus jamais la brume, plus jamais..nous dormons là où le saumon Pink remonte la rivière, joyeux festin le lendemain soir... saut de puce sur Hinchinbrook, puis sur Hawkins, où nous dormons dans une forêt de cèdres extraordinaire. Quel endroit fabuleux..et en plus il fait vraiment soleil tout à coup, le ciel s'est dégagé, le moral des troupes revient, et il ne reste plus qu'une journée pour atteindre Cordova.  Nous atteindrons Cordova, heureux, rencontrons Tony, un tchèque américain qui nous prodigue de bons conseils, nous donne du saumon sockeye qu'il a pêché dans la fameuse Copper River. Dois-je préciser à quel point le saumon Sockeye est délicieux!! un vrai fruit des mers, c'est un poisson extraordinaire! Cordova est aussi le plus intéressant village que nous ayons traversé jusqu'à présent; seulement accessible par la mer, ici on sent bien le poul incontestable de l'Alaska, sa franchise, son grand coeur et le mélange entre amérindiens, russes et américains, ce village de pêcheurs à flanc de montagnes enneigées est magnifique et les gens y vivant sont généreux, comme l'Alaska en général....Je vous redonne des nouvelles bientôt quand nous serons beaucoup plus au sud! Amélie.

1 commentaire:

  1. C'est fou! On dirait une aventure du Seigneur des Anneaux. Pieds poilus et brouillard.

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